Fonte:
Le Figaro
Autore:
Stephané Durand-Souffland
Georges Bensoussan, le CCIF et l’islamophobie
Le responsable éditorial du Musée de la Shoah était poursuivi mercredi par des associations antiracistes pour avoir dit : «Dans les familles arabes, en France, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère». Devant la 17^ chambre correctionnelle de Paris, les procès les plus passionnels s’accompagnent souvent, méme quand le sujet est grave, d’un éclat de rire. Celui de l’historien Georges Bensoussan, poursuivi mercredi pour provocation à la haine raciale, ne déroge pas à la règle, et l’éclat de rire est offert par le témoin Alain Finkieikraut quand il donne sa date de naissance : «1749. » « Félicitations », glisse la présidente Fabienne Siredey-Garnier à l’immortel qui se vieillit de 268 ans. Trêve de plaisanterie. En octobre 2015, invité à débattre avec le sociologue Patrick Weil sur France Culture dans «Répliques», émission présentée et produite par Main Finitielkraut, M. Bensoussan, auteur, notamment, en 2002 des Territoires perdus de la Republique, dénonce «un antisémitisme atavique qui est tu comme un secret» dans les milieux musulmans. Le responsable éditorial du Musée de la Shoah cite à son renfort, du moins le croit-il, «un sociologue algérien», Smala Laacher : «Dans les familles arabes, en France, tout le monde le sait mais personne ne veut le dire, l’antisémitisme, on le tète avec le lait de la mère.» Malheureusement pour lui, la citation n’est pas exacte: Smain Laacher (qui, accessoirement, est français) a en réalité déclaré dans un documentaire, au sujet de familles musulmanes : « Cet antisémitisme est déposé dans l’espace domestique (…). a est quasiment naturelletnent déposé sur la langue, déposé dans la langue. Une des insultes des parents à leurs enfants quand ils veulent les réprimander, il suffit de les traiter de juif, toutes les familles arabes le savent. » La formule originale a-t-elle été pour autant outrageusement dénaturée? Une association, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), signale au parquet, cinq mois après qu’ils furent prononcés, les propos de Georges Bensoussan, d’où les poursuites et la présence d’un aréopage d’organisations antiracistes sur le banc de la partie civile. La représentante du CCIF est coiffée d’un voile rose et fleuri, mais cette militante n’apprécie pas les questions, excellentes au demeurant, de la présidente. Celle – ci cherche à savoir par exemple où commence, pour le CCIF, qui semble en promouvoir une définition très extensive, l’islamophobie. «Il me semble que nous sommes au procès de Georges Bensoussan », esquive insolemment le voile fleuri. «C’est moi qui pose les questions», réplique la présidente. «Je suis ici en tant que partie civile, je ne voudrais pas que les rôles soient in versés », insiste le voile. «Ils ne le sont pas», tranche la présidente. Georges Bensoussan maintient ses propos, et s’en explique posément : «Je parle d’une notion culturelle, pas génétique. Confondre le lait et le sang, c’est de la mauvaise foi ou de la stupidité. Oui, dans une partie des familles arabes, en France, l’antisémitisme se transmet. Parler d’un antisémitisme biologique reviendrait pour moi á nier trente années de mon travail. Ce que fait le culturel, le culturel peut le défaire. on peut sortir de l’antisémitisme. Mais je n ‘ai pas inventé Mohamed Merah, ni les amis de sa famille qui ont regretté qu’il mail pus tué plus d’enfants juifs. Je n’ai pas inventé le fait que les frères Kouachi, après l’attentat de Charlie, ont demandé à l’imprimeur chez qui ils se sont réfugiés s’il était juif. ». M. Finklelkraut fisc les enjeux du débat de son point de vue : «Un antiracisme dévoyé vous demande de criminaliser une inquiétude. au lieu de combattre ce qui la fonde. Si le tribunal cède, ce sera une catastrophe intellectuelle et morale. » Le lait ou le sang? Le culturel ou le génétique? Le tribunal va devoir se pencher sur une mécanique des fluides bien particulière pour délivrer une sentence précieuse pour l’avenir du débat intellectuel autour d’un sujet brûlant. Les débats devaient se poursuivre tard dans la nuit, avant la mise du jugement en délibéré.