Fonte:
Le Monde
Autore:
Piotr Smolar - Bernard Cazeneuve
In Israele, l’arrivo dei francesi raggiunge un livello record
En Israël, l’arrivée de Français atteint un niveau record
Piotr Smolar
La France, premier pays source pour l’alya : ce classement sans précédent dans l’histoire d’Israël a été dévoilé, début septembre, par le représentant à Paris de l’Agence juive. Sur les huit premiers mois de l’année 2014, 4566 juifs français sont « montés » en Israël, selon l’expression consacrée. Ensuite seulement viennent les Ukrainiens (3 252 immigrants) et les Russes (2 632). Les Etats-Unis, eux, ont assisté au départ de 2 218 personnes. La guerre en Ukraine et les difficultés à préparer dans ces conditions un départ immédiat pourraient influer sur ce classement à l’avenir. Néanmoins, il a été abondamment commenté en Israël, où les actes antisémites commis en Europe sont recensés avec vigilance. Les répercussions du conflit israélo-palestinien dans les rues de Paris ont donné lieu à de nombreux articles et reportages. Cette statistique pour 2014 dépasse le nombre déjà record enregistré en 2013, avec 3 263 arrivants français. Mais cette tendance ne doit pas masquer un trou noir statistique : celui du nombre de retours, de Français n’ayant pas réussi à s’intégrer. Impossible d’obtenir le moindre chiffre ou pourcentage.
Insécurité au quotidien
Les destinations et les profils varient parmi ces juifs français qui ont décidé de « monter ». Vivre à Tel Aviv ou Jérusalem demande davantage de moyens, en raison des prix de l’immobilier. Beaucoup préfèrent s’installer dans des villes nouvelles en plein essor, comme le port d’Ashdod, Ashkelon ou à Netanya. D’un point de vue sociologique, à en croire le ministère de l’intégration, de plus en plus de jeunes familles, avec des enfants en bas âge, font leur alya. Certains quittent un continent européen en plein marasme économique pour un pays en croissance, avec des secteurs dynamiques comme les nouvelles technologies. Les retraités cherchent le soleil. D’autres, issus de familles de pieds-noirs, réalisent un vieux rêve identitaire. Les migrants parlent surtout de la dégradation du climat en France, d’un antisémitisme et d’une intolérance croissants. Plusieurs crimes retentissants, comme l’affaire Ilan Halimi en 2006 ou bien les tueries commises par Mohammed Merah à Toulouse et à Montauban en 2012, puis l’écho rencontré par les diatribes xénophobes de Dieudonné, ont profondément marqué la communauté juive française. Paradoxe : beaucoup fuient une insécurité, ressentie au quotidien en France, pour s’installer dans un pays entouré d’ennemis et de forces hostiles, qui semble dans un état de guerre permanent. Mais le gouvernement israélien est parvenu à leur faire sentir qu’ils étaient désirés ; à les couver, à faciliter toutes leurs démarches. Dès leur atterrissage, les migrants se voient remettre une somme d’argent en liquide pour leurs premiers frais, dans le cadre de la « sal klita », le panier de l’intégration. Puis, pendant les six premiers mois, une allocation est versée sur leur compte. Ils sont invités à s’inscrire dans un oulpan pour apprendre l’hébreu, sur un rythme intensif : cinq heures par jour, cinq jours par semaine. Cette immersion accélérée dans la société israélienne n’est pas aisée. Mais beaucoup ont le sentiment de participer à une aventure commune, basée sur la résilience.
La comunità ebraica preoccupata dal forte aumento dell’antisemitismo
L’inquiétude des juifs de France face à la poussée antisémite
Bernard Cazeneuve
Ministre de l’intérieur
La progression donne le vertige. De janvier à fin juillet, les actes antisémites recensés en France ont progressé de 91% par rapport à la même période de 2013. Selon les chiffres livrés par le Service de protection de la communauté juive (SPCJ) — un service d’ordre organisé par les institutions de la communauté juive pour protéger ses lieux de cultes avec l’agrément du ministère de l’intérieur — à partir de données émanant du ministère de l’intérieur et rendus publics vendredi 12 septembre, les actes et les menaces antisémites sont passées de 276 à 527 sur les sept premiers mois de 2014. Ce sont les actes qui ont le plus progressé ( 126 %). Sur les 158 recensés par le SPCJ, 77 étaient des faits de violence et 75 de vandalisme. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur, confirme au Monde cette tendance : « Les actes antisémites sont en augmentation significative depuis le début de l’année. Nous l’avons constaté avec les représentants de la communauté juive, avec qui nous sommes en dialogue constant. » Le SPCJ a constaté « deux pics importants » d’actes antisémites durant cette période. Le premier au mois de janvier «correspondant à l”‘affaire Dieudonné” [l’interdiction par le Conseil d’Etat du spectacle de l’humoriste émaillé de propos antisémites] et à la manifestation ‘four de colère” [rassemblement anti-Hollande qui a mélangé des groupes variés issus de la droite radicale, du catholicisme intégriste et de l’extrême droite] ». La seconde « au mois de juillet et correspondant aux manifestations anti-israéliennes violentes organisées en France». Le SPCJ relève qui «un climat d’insécurité pour la communauté juive s’est fortement installé suite aux nombreuses violences antisémites qui ont visé des individus, des synagogues et des écoles de la communauté juive pendant cette période ». Vingt-neuf actes de vandalisme ont été enregistrés pour juillet. Dans un communiqué, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) s’est déclaré «très inquiet » de cette progression. Il souligne en particulier «l’apparition de nouvelles formes de violences : les attaques en bandes organisées de lieux communautaires, les agressions planifiées et ciblées de synagogues, les actes de vandalisme des commerces juifs et enfin les attentats terroristes ». «Ce n’est pas vraiment une surprise, déplore le président du CRIF, Roger Cukierman, car on sent bien que les choses sont en train de dériver et la France est malade de cette violence. Le vivre ensemble est en train de s’éloigner et les juifs se sentent la sentinelle de tout cela. » «La maladie aiguë est devenue chronique, déplore Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France. Au moment d’un précédent pic d’actes antisémites, dans les années2000, nous avions pourtant espéré un réveil des consciences ». Mais aujourd’hui, le phénomène du djihadisme change la donne aux yeux des responsables de la communauté juive. « Les inquiétudes des juifs augmentent avec la crainte latente d’attentats djihadiste de type Merah », affirme Roger Cukierman. « Le djihadisme est une maladie du XXI° siècle. La France doit aussi le combattre sur son territoire », demande Joël Mergui. Ces chiffres sont dévoilés une semaine avant que Manuel Valls s’exprime devant la communauté juive, jeudi 18 septembre, à l’occasion de la célébration du nouvel an juif. Les attentes des annonces qu’il pourrait faire sont importantes. Les dirigeants des institutions communautaires attendent du premier ministre un plan de lutte global contre l’antisémitisme et le détail de mesures de protection des lieux de culte et des écoles.« Le gouvernement est déterminé à lutter résolument contre ces petites haines qui rongent la République de l’intérieur. Dès le mois de mai j’ai décidé le renforcement de la protection de tous les lieux de culte. Pour qu’aucun acte raciste ou antisémite ne demeure impuni, j’ai demandé en juillet aux préfets de recourir systématiquement à l’article 40 qui leur permet de signaler à la justice tout acte de cette nature qui serait porté à leur connaissance et qui n’aurait pas fait l’objet d’un dépôt de plainte », rappelle M. Cazeneuve. « La lutte contre l’antisémitisme doit être placée au rang de cause nationale, affirme Joël Mergui. Il faut aussi des mesures de protection spécifiques et que les moyens s’accompagnent de résultats. Aujourd’hui la vie quotidienne des juifs est troublée par ce climat. Ce qui nous rassurera, ce sera quand nous aurons des résultats. »