27 Maggio 2014

Antisemitismo in Belgio

Fonte:

Conseil Represéntatif des Institutions Juives de France CRIF - ANTISEMITISME.BE

Autore:

Joël Kotek

“Antisémitisme: il est urgent d’agir !”

“Carte blanche” de Joel Kotek, Professeur à l’ULB et enseignant à Sciences Po Paris, dans le journal “Le Soir” le 26 mai 2014

Les Juifs restent les principales cibles des discours de haine et de violences physiques dans notre pays. En Belgique, les mythes, et non les faits, sont têtus. S’agissant du racisme, nos ’spécialistes’ autorisés es extrême-droite ne cessent de nous annoncer, depuis près de 10 ans, la mort de l’antisémitisme pour mettre en avant la seule et fort mal nommée islamophobie.

Cette double thèse de l’effacement progressif de l’antisémitisme et des musulmans comme nouveaux Juifs fait désormais figure d’évangile. Ainsi, a-t-on entendu le mois dernier sur Télé-Bruxelles, le Secrétaire général d’un important site antifasciste se vanter d’avoir « relativisé les faits antisémites de manière générale » (sic) ou encore tel autre professeur de l’ULg minimiser l’antisémitisme de Dieudonné. De Bruxelles à Toulouse, on ne demanderait qu’à les croire, sauf qu’ils ont tout faux, comme vient, hélas, de le rappeler la tragique tuerie de la rue des Minimes.

Une nouvelle fois, des personnes ont été assassinées de sang-froid tout simplement parce qu’elles étaient (supposées) juives. Ces odieux assassinats démontrent à l’envi que si les Juifs ne souffrent plus de discrimination sociale, et ce, contrairement aux populations issues de l’immigration, ils n’en restent pas moins à ce jour, les principales cibles des discours de haine et des violences physiques dans notre pays, comme d’ailleurs en France ou encore aux Etats-Unis.

Dans cette France qu’un Pascal Boniface présente comme gangrenée par le lobby sioniste, la probabilité pour un Juif de faire l’objet d’une agression physique à caractère raciste est deux cents fois supérieure à la probabilité qu’un musulman ne soit victime d’un acte comparable.

Aux États-Unis, les Juifs constituent aussi la première cible religieuse : le FBI a recensé en 2012, 674 incidents à caractère antisémite sur le territoire américain, soit près des deux tiers des incidents classés comme antireligieux. Les statistiques belges ne démentent pas cette lourde tendance, et ce, quand bien même les Juifs ne constituent que 0,3 % de la population totale.

Depuis plus de trente ans, sans que cela n’émeuve nos leaders d’opinion, ce sont ses leaders (J. Wybran), ses écoles juives, ses synagogues, et désormais ses musées qui sont visés, et ce, dans un silence qui confine à la névrose sociale et politique. C’est que l’antisémitisme dérange pour n’être plus essentiellement d’extrême droite, mais syncrétique.

Le nouvel antisémitisme et/ou antisionisme radical est, en effet, résolument rouge-brun-vert. Dieudonné, Soral ou Laurent Louis sont certes antisémites, mais aussi propalestiniens, antiaméricains, tiers-mondistes et islamophiles, une vision du monde assurément bien trop compliquée et dérangeante pour des chercheurs et journalistes, plus que jamais baignés de « culture gauchiste antisioniste », pour reprendre l’expression du directeur de recherche au CNRS, Pierre-André Taguieff.

Le nouvel antisémitisme procède désormais de cette étrange alliance centre-droite radicale, ultra-gauche et courants islamistes, qui fait du sionisme l’explication du Mal. Sous couvert d’un discours anti-israélien, l’antisionisme radical n’est qu’un simple redéploiement de l’antisémitisme traditionnel. Depuis la Shoah, il est évident que plus personne n’ose s’afficher antisémite, sauf rares exceptions. Du fait du nazisme le mot est par trop connoté. Les nouveaux antisémites, tels Dieudonné ou Laurent Louis, adoptent la très commode stratégie de se présenter comme antisionistes. Leur discours prétendument antisioniste n’en est pas moins antisémite pour recycler tous les clichés qui ont conduit à la Shoah.

De même, que les antisémites traditionnels avaient élaboré la théorie de la causalité diabolique du Juif, à la source de tous les malheurs, les « antisionistes radicaux » sont parvenus à forger la représentation d’une « causalité diabolique du sionisme international », tenu responsable des malheurs du monde, des banlieues de Paris à l’Irak ; d’où ces tueries ciblées de citoyens juifs anonymes et évidemment innocents, de Toulouse à Bruxelles, en passant par New Delhi. L’antisionisme radical et complotiste a tôt fait de transformer tout juif en cible potentielle.

Ainsi, non seulement l’antisémitisme n’est pas mort, mais il connaît une vigueur nouvelle au sein des couches les plus défavorisées de nos sociétés.

Ainsi, non seulement l’antisémitisme n’est pas résiduaire, mais il est redevenu mortifère, obligeant les Juifs à devoir se protéger toujours davantage, sinon à envisager le départ vers des cieux plus cléments.

Je ne pense pas que la Belgique gagnera au départ de ses citoyens juifs. Nul besoin d’évoquer les figures de Prigogine ou d’Englert pour s’en persuader.

Que faire ? Sans défendre pour autant la thèse d’une extrême droite qui aurait définitivement déserté l’islamophobie pour se domicilier du côté de l’Islam (la droite extrême et populiste est antimusulmane), ne serait-il pas temps que nos politiques et médias en viennent, enfin, à dénoncer et agir à l’encontre de cette nouvelle alliance antisémite qui embrasse désormais droite radicale, ultragauche et mouvements islamistes?

Ne serait-il pas temps de voir le Centre pour l’Égalité des Chances et Lutte contre le Racisme (CECLR) respecter son cahier des charges et poursuivre, enfin, les propos et agissements antisémites. Son aboulie est tout simplement surréaliste !”