Fonte:
http://www.crif.org/
CRIF/INTERNET – RAPPORT GOUVERNEMENTAL SUR LA HAINE SUR INTERNET : ENTRETIEN AVEC FRANCIS KALIFAT
Ce jeudi 20 septembre, à 17h30, Karim Amellal, écrivain et enseignant à Sciences-Po Paris, Laetita Avia, députée LREM, et Gil Taiëb, vice-Président du Crif, ont rendu leur rapport au Premier Ministre. Un rapport qui contient un certain nombre de recommandations afin de “renforcer la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet”. Francis Kalifat, Président du Crif, donne son analyse du rapport.
Francis Kalifat, vous avez pris connaissance du rapport* remis par Karim Amellal, Laetita Avia et Gil Taiëb au Premier Ministre à propos de leur plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. Quelles sont vos premières impressions ?
Francis Kalifat – Ce rapport est positif. Il présente des recommandations précises, adressées à la fois aux diffuseurs, aux délinquants et à l’Etat. Il s’agit maintenant de voir comment ces recommandations se traduiront dans notre législation.
Ces recommandations reprennent en grande partie les propositions que j’ai moi-même formulé au cours de mes entretiens avec le Premier Ministre, le Ministre de l’Intérieur, le Ministre de l’Education, la Ministre de la Justice et avec le Secrétaire d’Etat au numérique. Elles sont aussi dans la droite ligne de mon adresse au Président de la République lors du dernier Dîner du Crif.
Parmi les 20 recommandations du rapport, lesquelles ont particulièrement retenu votre attention ?
Francis Kalifat – Il y a d’abord la question du délai fixé aux grandes plateformes pour qu’elles retirent les contenus haineux qui leur ont été signalés. Ce délai de 24h s’inspire du modèle allemand récemment mis en place.
Il y a ensuite un certain nombre de recommandations concernant la simplification de la procédure de signalements. Le rapport propose par exemple la mise en place de logo unique et facilement repérable. C’est important afin que chacun puisse être acteur de la lutte contre la haine sur Internet.
La partie des recommandations à propos des sanctions est également très importante. Le montant des amendes doit être dissuasif et les sanctions implacablement appliquées. Au-delà du travail de sanction, il est aussi question du travail pédagogique à faire, notamment auprès des plus jeunes.
Enfin, je me réjouis de voir la recommandation au sujet de la création d’un observatoire de la cyber-haine. C’est un projet que j’avais annoncé lors du Dîner du Crif et sur lequel nos équipes ont déjà beaucoup avancé. Notre Observatoire de la haine sur Internet est en bonne voie.
Y a-t-il des réserves à émettre sur le contenu du rapport ?
Francis Kalifat – Il y en a une, et elle est importante. Le rapport ne fait aucune mention de l’antisionisme et de la haine d’Israël. Pourtant, le Président de la République et le Premier Ministre ont été très clairs sur le sujet : il s’agit d’une forme nouvelle de l’antisémitisme. Cette question n’a fait l’objet d’aucune recommandation, cela est incompréhensible.
Car la haine d’Israël qui est un vecteur essentiel de l’antisémitisme dans notre pays. Ne pas la prendre en compte rend ce rapport incomplet.
Nous savons que l’antisionisme, la haine et la délégitimation d’Israël sont des « zones grises » pour les plateformes. L’équipe du Crif dédiée aux signalements de contenus haineux identifie, expertise, qualifie et signale plus de 50 contenus par mois. Grâce à ce travail minutieux de qualification, plus de 75% de ces contenus sont supprimés des plateformes. Les contenus d’appel au boycott, eux, ne sont quasiment jamais pris en compte par les responsables des grandes plateformes. Elles assument d’ailleurs avoir une trop faible maîtrise du sujet et de sa nature délictueuse. Pourtant, la législation française est claire à ce sujet : c’est purement et simplement illégal. La loi doit s’appliquer partout, et bien-sûr sur Internet.
Ne pas inclure l’antisionisme et la haine d’Israël dans la liste des recommandations ne permettra pas de réguler comme il se doit la haine anti-juive sur Internet.