Fonte:
Le Monde
Autore:
Olivier Faye
Un businessman de l’antisémitisme
En quelques années, Alain Soral a construit autour de sa personne un mythe, des réseaux et une petite affaire qui tournent bien. C’est à ces trois facettes du phénomène que se sont intéressés les journalistes Robin D’Angelo et Mathieu Molard dans Le Système Soral, enquête sur un facho business. Phénomène, car dans un mélange confus de complotisme, d’antisémitisme et d’anticapitalisme revendiqué, l’homme est parvenu avec son compère Dieudonné à bâtir une communauté sur YouTube, où ses vidéos/prédications ont été regardées des millions de fois. Communauté dont la face émergente est son association Egalité et réconciliation, qui draine entre 5.000 et 10.000 «militants» dont l’activité principale consiste avant tout à investir Internet.
L’ancien chroniqueur du magazine féminin 20 ans, qui, à 56 ans, n’a jamais réellement travaillé de sa vie, se veut un défenseur des marges, mais il vit à proximité de Saint-Germain-des-Prés. Le maître supposé de la boxe se présente en homme fort, mais il préfère rester à l’abri des gros bras dans les manifestations, lors de ses rares incursions sur le terrain. Le frère de l’actrice Agnès Soral dit avoir été adhérent du Parti communiste, mais personne ne se souvient de son passage place du Colonel-Fabien.
RAMIFICATIONS
Le livre revient sur le parcours de ce militant sur le tard, formé quelques années à l’école du Front national. En 2007, il intègre le comité central du parti grace à Jean-Marie Le Pen, séduit par son discours à destination des banlieues. Alain Soral a un temps l’oreille de Marine Le Pen mais quitte avec fracas la formation d’extrême droite deux ans plus tard, faute d’avoir pu obtenir une investiture aux élections européennes. Ce départ ne l’empêche pas de garder un lien avec la galaxie frontiste par l’intermédiaire d’anciens militants du GUD proches du FN, comme Frédéric Chatillon. Aujourd’hui, les ramifications des réseaux d’Alain Soral s’étendent à de nombreuses chapelles de l’extrême droite, en particulier chez les négationnistes.
Avec Egalité et réconciliation, sa maison d’édition Kontre Kulture (qui a notamment réédité La France juive d’Edouard Drumont) ou encore sa boutique de produits bio Au bon sens, l’homme est à la tête d’une entreprise florissante qui engrange des dizaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires.« C’est le génie du capitalisme que de tout transformer en marché, même sa contestation », dit-il. Et d’avouer dans une de ses vidéos, dont le visionnage est désormais payant: «J’ai conscience d’être un parasite. »
De son propre aveu, Alain Soral rêvait, enfant, de «rentrer dans l’histoire », tel Spartacus. Le presque sexagénaire se contente de faire commerce de sa personne et d’un mal séculaire, l’antisémitisme, sous couvert d’« antisionisme ». L’éditeur du livre, Marc Grynsztajn, a été agressé, le 12 septembre, au pied de son domicile, à Paris, par un homme aux cris de «sale juif».
Le Système Soral,
enquête sur un facho business
Robin D’Angelo et Mathieu Molard
Calmann-Lévy, 192 p., 17 euro